Adeptes du mélange des genres, Lea Lund et Erik K cassent les codes pour capter des ambiances empruntées au reportage, au portrait, aux photos de mode ou d'architecture, dans un style brut devenu leur signature : un traitement noir et blanc qui semble avoir été taillé au scalpel.
Le concept de l'artiste et sa muse est bien connu; que l'on se souvienne de Kiki de Montparnasse, de Frida et Diego, ou de Lee Miller et Man Ray. La muse ici c'est Erik K, bel homme, dandy et la photographe, Lea Lund.
Lea derrière son objectif, est le chef d'orchestre, elle ose un noir et blanc d'une densité exceptionnelle, onirique, griffé, hanté par un travail de gravure pour la plupart des œuvres. Nous découvrons le sujet majeur inhérent à l'intégralité des compositions photographiques créées par le couple d'artistes : le sublime, et sa fragilité.
Si le dandy est hors du temps, il est aussi hors de l'espace. Par essence, il a sa place partout. L'exotisme de son décalage permanent ne saurait cesser lorsqu'il franchit la frontière de tel ou tel pays que ce soit à Lausanne, Paris, Rotterdam, Milan, Londres, Berlin, Séville, Marseille, New York, Lubumbashi ou Kinshasa. Photographe et modèle cherchent et trouvent ensemble décors et situations : bâtiments et structures de métal puissant et vastes cieux habités de lumières fulgurantes. D'autres images montrent Erik dans les coulisses de métropoles grandioses ou devant des constructions gigantesques qui semblent au bord de l'anéantissement, allusion aux arrière-plans fantastiques de films expressionnistes tels que Metropolis – ou surgissant du chaos. Agissant comme un time traveller, Erik nous présente le monde, il l'anime et le reflète en même temps, nous suivons ce héros, nous nous identifions à lui au travers de ses aventures.
Lea Lund nous rend le monde plus beau, plus compréhensible, plus surprenant, en tout cas, plus précieux. C'est cela qui frappe et qui montre le chemin parcouru, Erik n'est plus un modèle et ne pose plus : il est là. Dans ces véritables « paysages avec figure présente », impassible, intemporel, marmoréen, impénétrable, il se fond dans l'image, se laisse traverser par le regard de la photographe. Il n'est plus le compagnon, il n'est même plus humain, il est la mélancolie, la poésie, la nostalgie, la modernité, l'abandon, la sérénité, l'appel du large, la sensibilité que l'artiste crée et impose de son seul regard. Il n'est pas courant d'être confronté et d'avoir le plaisir de partager des photos sui generis, c'est une grande et belle découverte que le travail de Lea Lund avec Erik. Et c'est un merveilleux exemple de ce que peut inspirer une muse.